Poésie
LES AMANTS DE L'ETE
Et le vent se souvient dans les gorges profondes
Et le vent se souvient du premier jour du monde.
C'était un berger blond aux yeux tendres d’azur ;
Il n'avait que seize ans et son cœur était pur.
Regard noir, cheveux noirs aux flammes de lumière ;
La trentaine avancée, on la disait sorcière.
Ils se sont rencontrés aux pâtures d'été
Comme des fous, se sont aimés en liberté.
Et le vent se souvient dans les gorges profondes
Et le vent se souvient du premier jour du monde.
Le clergé, le village ont voulu les punir,
C'était faute trop grave, il fallait en finir :
Les ont traqués longtemps dans les grottes, les plaines ;
Lui, s'est jeté dans le torrent pour fuir la haine ;
La femme fut jugée et sur un grand bûcher,
On brûla la sorcière en place du marché.
Et le vent se souvient dans les gorges profondes
Et le vent se souvient du dernier jour du monde.
Ils se sont retrouvés, les amants de l'été
Et vivent leur amour en leur éternité.
Ils reviennent parfois et frappent avec rage,
Mêlant l'onde et la flamme aux foudres de l’orage :
Les villageois, transis, regardent vers les cieux,
Priant, rêvant d'un Dieu miséricordieux...
Et le vent se souvient dans les gorges profondes
Et le vent se souvient du dernier jour du monde.
Michèle Lavalette
Prix des poètes "Bugey-Savoie 1996"
extrait de Prière Païenne